Cour Cassation Civ 2, 12 janvier 2023 (N° 20-20941 Publié au bulletin)
C’est la question des délais « a quo » et « ad quem » sur lesquels il convient de se pencher.
Sur le délai « a quo » la Cour de Cassation a très clairement répondu dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 20 mai 2021 (N° 20-13912 Publié au bulletin).
Cet arrêt est parfaitement commenté par Romain LAFFLY dans le Dalloz actualité du 9 juin 2021. (https://www.dalloz-actualite.fr/flash/delais-pour-conclure-en-appel-et-mediation )
Il ne fallait pas confondre l’injonction à rencontrer un médiateur et l’ordonnance d’envoi en médiation qui elle seule interrompait le délai pour conclure ou former appel incident tel que le prévoyait l’article 910-2 du code de procédure civile avant le Décret No 2022-245 du 25 févr. 2022.
L’ancien article 920-2 CPC disposait :
« La décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.»
Le nouvel article quant à lui dispose :
« La décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur en application de l'article 127-1 ou qui ordonne une médiation en application de l'article 131-1 interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910. L'interruption produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur. »
Dès lors la recherche du terme « a quo » du délai d’interruption du délai pour conclure est simplifié, c’est la date de l’ordonnance de la cour qu’elle enjoigne de rencontrer un médiateur ou qu’elle l’ordonne.
Une difficulté n’est cependant pas réglée.
Si en dehors de l’injonction ou la proposition du juge les parties se présentent conjointement devant la cour pour faire une demande de médiation, quel sera le terme « a quo ».
Soit comme en matière de suspension de la prescription de l’article 2238 du code civil «à compter du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation » c’est-à-dire du jour de la demande à la cour, soit du jour de l’ordonnance de la cour ?
En effet l’article 131-6 du code de procédure civile dispose :
« La décision qui ordonne une médiation mentionne l'accord des parties »
Jurisprudence à suivre.
Dans son arrêt du 12 janvier 2023 la Cour de Cassation vient de régler le sort du terme « ad quem ».
La décision est rendue sous l’empire de l’ancienne version de l’article 910-2 du code de procédure civile mais sans que cela ne modifie le sens et la portée de l’arrêt.
Par une ordonnance du 13 juin 2016, un conseiller de la mise en état a ordonné une médiation, précisé que la mission du médiateur prendra fin à l'expiration d'un délai initial de trois mois commençant à courir à compter de la première réunion et sursis à statuer sur toutes les demandes des parties, les délais prescrits étant interrompus. Par ordonnance du 13 décembre 2016, le conseiller de la mise en état a accordé au médiateur un délai supplémentaire jusqu'au 20 février 2017 pour mener à bien sa mission.
L’arrêt ne dit rien sur la date de la première réunion de médiation malgré l’écoulement d’un délai de 6 mois entre l’ordonnance initiale et l’ordonnance de prolongation du délai. On peut imaginer que trouver la date du premier entretien ait pris du temps, la Cour évoquant l’existence de pourparlers.
Le 26 décembre 2017, l'appelante a déposé des conclusions aux fins de reprise d'instance après médiation.
Le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d’appel et la cour d’appel sur déféré a confirmé.
C’est la décision attaquée.
La demanderesse au pourvoi qui ne conteste pas le terme « a quo » soutient que le terme « ad quem » est nécessairement la date de l’expiration de la mission du médiateur c’est-à-dire la date où l’affaire est rappelée à une audience sur convocation du greffe, en lecture de l’article 131-6 du code de procédure civile qui dispose :
« La décision qui ordonne une médiation mentionne l'accord des parties, désigne le médiateur et la durée initiale de sa mission et indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée à l'audience. »
Elle fait grief à la cour d’appel d’avoir fixé le point de départ de son délai pour conclure à la date de la fin de la mission du médiateur mentionnée dans l’ordonnance soit le 20 février 2017 en méconnaissance de l’article 131-10 du code de procédure civile qui dispose :
« Le juge peut mettre fin, à tout moment, à la médiation sur demande d'une partie ou à l'initiative du médiateur.
Le juge peut également y mettre fin d'office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu'elle est devenue sans objet.
Dans tous les cas, l'affaire doit être préalablement rappelée à une audience à laquelle les parties sont convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. »
La cour de cassation rejette le pourvoi au motif :
« Ayant constaté que la mission du médiateur avait pris fin le 20 février 2017, c'est à bon droit que l'arrêt retient, en substance, que ce terme marque la reprise de l'instance, que doit être décompté à partir de cette date le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure et que l'appelante ajoute au texte de l'article 910-2 du code précité lorsqu'elle soutient que l'instance n'a pas repris au motif que le médiateur n'a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l'affaire n'a pas été fixée à une audience de mise en état. »
Ainsi le terme « ad quem » au-delà duquel l’appelant principal ou incident dispose du délai de trois mois pour conclure est celui de la date de la fin de la mission du médiateur mentionnée dans l’ordonnance de la cour.
Reste l’hypothèse de l’article 131 -10 du code de procédure civile, non soumise à la Cour, de la fin de la mission sollicitée par les parties ou le médiateur, lui-même, ou d’office par le juge lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu'elle est devenue sans objet.
Dans ce cas le texte rappelle que « l'affaire doit être préalablement rappelée à une audience à laquelle les parties sont convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. »
On peut en déduire que le délai de trois mois pour conclure courra de la date de l’ordonnance constatant la fin de la médiation.
Emmanuel DURAND
17 01 2023
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