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Photo du rédacteurEmmanuel DURAND

Le mineur et la médiation civile






Qu’elle soit sur proposition du juge ou conventionnelle, l’enfant mineur peut-il intervenir en médiation ?

Dans quel type de médiation ?

Peut-il intervenir seul ou représenté ?






1.De quels mineurs s’agit-il ?


Trois catégories de mineurs peuvent a priori être distinguées.

Le mineur non capable de discernement. La réponse semble simple de prime abord, la médiation étant un processus volontaire le mineur non capable de discernement ne pourra pas exprimer une volonté d’entrer en médiation.

Mais le mineur bénéficie en général de deux ou un représentant légal et à défaut d’un tuteur. Peut-il alors par leur intermédiaire intervenir en médiation ?

Deux objections pourraient être formulées.

D’une part l’entrée en médiation suppose un acte de volonté dont le représentant légal ou le tuteur ne peut préjuger, le mineur ne peut être contraint d’entrer dans le processus.

D’autre part aucun de ses droits ou intérêts ne sont menacés et l’intervention du représentant légal ou tuteur n’est pas justifiée par opposition à une procédure judiciaire.

Le mineur non émancipé ne pourra pas intervenir en médiation.

Le mineur émancipé. Il dispose de sa pleine capacité juridique et peut intervenir en médiation seul avec les mêmes droits et obligations qu’un majeur.

Le mineur capable de discernement. Il a la possibilité d’exprimer sa volonté d’entrer en médiation. Le pourra-t-il seul ou avec l’assistance d’un administrateur légal qui le représente dans tous les actes de la vie civile ?

C’est de ce dernier dont il est question dans le propos qui suit.


Il semble opportun de faire une distinction entre la médiation familiale et les autres formes de médiation.


2. La médiation familiale


« La médiation familiale est un processus de construction ou de reconstruction du lien familial axé sur l’autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation dans lequel un tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision – le médiateur familial – favorise, à travers l’organisation d’entretiens confidentiels leur communication, la gestion de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son évolution ».

Qu’il s’agisse du couple ou de la parentalité, la médiation familiale, intéresse directement la situation du mineur bien qu’il ne soit pas stricto sensu une partie à la médiation mais un tiers intéressé.

La loi et plus particulièrement le code civil n’encadre pas l’intervention du mineur dans un processus (médiation) mais seulement dans une procédure (article 388-1 du code civil)


C’est donc vers les conventions internationales qu’il faut se tourner et plus particulièrement la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) ratifiée par la France.

Article 3 « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »

Article 12 « Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. »


Ainsi, sous réserve de l’opportunité de son audition (elle peut être contraire à ses intérêts ou de nature à complexifier la résolution du différend parental), le mineur capable de discernement peut (c’est un droit) être entendu seul par le médiateur ou l’auditeur de l’enfant.

Sa voix ne sera pas portée par le truchement d’un représentant légal, mais il pourra être assisté d’un avocat.


3. Les autres médiations.


On évoque ici la situation du mineur partie à la médiation.

Le code civil et le code de procédure civile régissent la comparution et l’audition du mineur dans le cadre d’une procédure mais ne disent rien sur son intervention en médiation.

C’est vers la Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants (Strasbourg, 25.I.1996) qu’il convient de se tourner :

« Afin de prévenir ou de résoudre les conflits, et d'éviter des procédures intéressant les enfants devant une autorité judiciaire, les Parties encouragent la mise en œuvre de la médiation ou de toute autre méthode de résolution des conflits et leur utilisation pour conclure un accord, dans les cas appropriés déterminés par les Parties. »

Même en l’absence de codification de ce texte il a été approuvé par la France par la loi 2007-1155 du 1er août 2007.

Le mineur a donc toute sa place en médiation.

Il faut à ce stade distinguer la parole du mineur de son pouvoir de décision.


3.1. La parole du mineur


L’article 3 de la convention CIDE donne à « l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant »

Le mineur peut ainsi s’exprimer personnellement sans assistance ou représentation de l’un de ses représentants légaux ou tuteur.

Il le peut d’autant plus que dans le cadre de la médiation il s’exprimera dans un espace de confidentialité hermétique dont sa parole ne pourra sortir qu’avec son accord.

Ainsi le médiateur peut entendre le mineur, seul, soit en entretien individuel soit en entretien collectif dans les trois premières phases de la médiation, telles qu’identifiées selon la roue de Fiutak (Quoi, Pourquoi et Comment)

Si la médiation oppose le mineur à son représentant légal, se dernier ne pourra s’exprimer que pour lui-même et en aucun cas pour le compte du mineur.


3.2. Le pouvoir de décision du mineur.


Article 1146 du code civil

« Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi:

1° Les mineurs non émancipés »


Article 388-1-1 du code civil

« L'administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l'usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes. »


3.2.1. Le différend n’oppose pas le mineur au représentant légal.


Article 382 du code civil

« L'administration légale appartient aux parents. Si l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'entre eux est administrateur légal. Dans les autres cas, l'administration légale appartient à celui des parents qui exerce l'autorité parentale. »


Le mineur peut être seul opposé à un ou plusieurs tiers ou défendre les mêmes intérêts que son ou ses représentants légaux face à un ou plusieurs tiers.

Dans ce cas la conclusion et la rédaction de l’accord de médiation (quatrième temps de la médiation selon Fiutak) ne pourront être le fait du mineur seul.

C’est son (ou ses) représentant légal qui agira en son nom et pour son compte et qui signera l’accord.

Toutefois si l’objet ou les modalités de l’accord (notamment s’il s’agit de renoncer pour le mineur à un droit, transiger en son nom ) entrent dans les prévisions de l’article 387-1 du code civil l’accord ne sera valable que lorsque le représentant légal aura obtenu l’accord préalable du juge des tutelles avant de le signer.

Il faut ici souligner que l’accord de médiation ne prend pas nécessairement la forme d’une transaction, la constatation de concessions réciproques n’est pas nécessaire, il peut prendre la forme d’un accord sui generis que l’on pourrait nommer « accord médiationnel »

Cela suppose d’être clair lors de l’entrée en médiation et que toutes les parties soient d’accord pour qu’une fois les bases de l’accord jetées l’objet de la médiation soit déconfidentialisé pour être soumis à l’appréciation du juge des tutelles.



3.2.2. Le différend oppose le mineur au représentant légal ou au tuteur.


Dans ce cas va naître un conflit d’intérêt au milieu du différend principal.

Si le mineur peut s’exprimer librement et seul dans les trois premières phases du processus de médiation il se heurtera au refus de son représentant légal ou tuteur au moment de signer au nom du mineur un accord contraire à ses intérêts.

Il est dans ce cas nécessaire pour le médiateur de solliciter l’intervention d’un tiers de type particulier, le mandataire ad hoc.

Il convient alors de distinguer s’il on est en médiation sur proposition du juge (médiation judiciaire) ou en médiation conventionnelle.



Article 383 du code civil

« Lorsque les intérêts de l'administrateur légal unique ou, selon le cas, des deux administrateurs légaux sont en opposition avec ceux du mineur, ces derniers demandent la nomination d'un administrateur ad hoc par le juge des tutelles. A défaut de diligence des administrateurs légaux, le juge peut procéder à cette nomination à la demande du ministère public, du mineur lui-même ou d'office.

Lorsque les intérêts d'un des deux administrateurs légaux sont en opposition avec ceux du mineur, le juge des tutelles peut autoriser l'autre administrateur légal à représenter l'enfant pour un ou plusieurs actes déterminés. »


L’hypothèse la plus simple est celle où le (ou les) représentant légal est conscient de la situation et sollicite spontanément la désignation d’un mandataire ad hoc.

Une seconde hypothèse est celle d’un désaccord d’un seul représentant légal avec le mineur. Le juge des tutelles peut autoriser l’autre représentant légal à représenter le mineur mais en fixant limitativement les actes autorisés.

Enfin la troisième hypothèse est celle du refus des représentants légaux de solliciter le juge des tutelles.

Soit on se situe en amont de l’ordonnance envoyant les parties en médiation, au moment de recueillir leur accord, et le juge, d’office ou à la demande du mineur ou du ministère public ,désigne ou sollicite le juge des tutelles pour la désignation d’un mandataire ad hoc.

Soit on se situe au stade de la médiation et c’est au médiateur qu’il appartiendra de vérifier la capacité des parties à entrer en médiation et conclure un accord.

Il n’aura pas le pouvoir de solliciter directement le juge des tutelles.

Dans ce cas il convient de se reporter aux dispositions du code de procédure civile.


Article 131-2 du code de procédure civile

« La médiation porte sur tout ou partie du litige.

En aucun cas elle ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires. »

Article 131-9 du code de procédure civile

« La personne physique qui assure la médiation tient le juge informé des difficultés qu'elle rencontre dans l'accomplissement de sa mission. »


Ainsi il appartient au médiateur de rendre compte au juge de la difficulté et ce dernier pourra se saisir d’office de la question.

Mais qu’il intervienne en amont de l’ordonnance d’envoi en médiation ou sur interpellation du médiateur le juge devra préalablement qualifier l’opposition ou le conflit d’intérêt dont l’appréciation se fera au cas par cas

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-19.370, Inédit)


3.2.2.2. La médiation conventionnelle.


Dans l’hypothèse où le (ou les) représentant légal du mineur refuse de saisir le juge des tutelles de la désignation d’un mandataire ad hoc le médiateur sera confronté à une impasse.

Il constatera les intérêts contraires du mineur avec son (ou ses) représentant légal et ne pourra qu’en déduire l’incapacité juridique du mineur à conclure un accord préservant ses intérêts.

Il n’aura d’autre choix que de mettre un terme à la médiation.


Emmanuel DURAND



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