La première chambre civile de la cour de cassation vient de rendre un arrêt en date du 8 mars 2023 Pourvoi n° N 22-10.679 publié au bulletin bimensuel sur la question du caractère obligatoire de la tentative de conciliation préalable à la saisine du bâtonnier comme arbitre du contentieux du contrat de collaboration libérale.
L’attendu est bref, pour autant est-il sans appel ?
« Si ces dispositions [Article 7 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et Art 142 Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991NDLR] prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir. »
La situation ayant donné lieu à l’arrêt est la suivante :
Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 novembre 2021), le 29 octobre 2020, à la suite de la rupture de son contrat de collaboration libérale, Mme [Y], avocate, a conclu une transaction avec la société PVB avocats.
Le 1er décembre 2020, Mme [Y] a, sur le fondement de l'article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier en nullité de la transaction et en paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité au titre d'un préjudice moral.
Par décision du 30 décembre 2020, le bâtonnier a rejeté la fin de non-recevoir invoquée par la société PVB, tirée de l'absence de conciliation préalable, et prononcé la nullité de la transaction.
L’arrêt ne précise rien sur le contenu du contrat de collaboration.
Le législateur de 71 comme celui de 91 ne semblaient pas très au fait de la conciliation et que dire alors de la médiation.
En effet en l’état de leur rédaction les deux textes ne pouvaient pas recevoir une autre interprétation de la part de la Cour de Cassation.
Le premier texte précise
Le contrat de collaboration libérale est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier
Le second stipule :
Pour tout litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration, à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur est inscrit est saisi.
L’un et l’autre texte ne renvoient qu’à la saisine du bâtonnier en cas de différend sur le contrat de collaboration (il en est de même pour le contrat de travail) en l’absence ou à défaut, les deux termes semblant être employés comme synonymes, de conciliation sans se prononcer sur le caractère ou non impératif de la conciliation ni sur ses modalités de mise en œuvre.
Il apparait ici que le législateur a souhaité favoriser un règlement amiable des différends avant la saisine du bâtonnier comme arbitre mais il n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique en en faisant un préalable obligatoire.
Il est utile de rappeler ici que l’éventuel recours préalable ne doit pas empêcher l’accès au juge dans un délai raisonnable ou en cas d’urgence.
Dès lors le recours à la conciliation suppose déjà un accord sur son principe qui en pratique ne sera pas toujours facile à obtenir une fois les relations crispées.
C’est à ce stade du raisonnement que l’on regrette que la Cour de Cassation soit restée taisante sur le contenu du contrat de collaboration, mais elle ne peut statuer que dans la limite des moyens dont elle est saisie.
En effet le RIN (règlement intérieur national des avocats), règlement à caractère normatif contient une disposition visant à compléter la loi.
« Le contrat de collaboration libérale doit obligatoirement comporter une clause de recours au bâtonnier, comme conciliateur. » (Article 14-2 du RIN)
On peut espérer que le contrat, rédigé par des professionnels du droit, ait été conforme au RIN et comportait une clause de conciliation.
C’est en effet au stade contractuel que les parties doivent inscrire une clause de conciliation et peuvent lui conférer un caractère préalable obligatoire à la saisine du bâtonnier sous sa casquette cette fois d’arbitre.
La Cour de Cassation a précisé :
« Que licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent »
Cour de cassation - Chambre mixte 14 février 2003 / n° 00-19.423, n° 00-19.424
L’articulation des textes avec le RIN laisse subsister une dernière question déontologique ; comment le bâtonnier conciliateur, tiers neutre, impartial et indépendant peut-il le rester vis-à-vis de lui-même et des parties lorsqu’il coiffe, à défaut de conciliation, sa casquette de bâtonnier arbitre ?
Emmanuel DURAND
Comments